Entre les fils

2024

Den Haag, Pays Bas

Entre les fils est un projet de fin d’études né d’un ras-le-bol créatif, d’un besoin urgent de me libérer du perfectionnisme imposé par mon parcours en école d’art. J’y explore une manière de créer plus intuitive, plus sincère, en utilisant le tissage comme médium de réflexion et de résistance. Ce projet est autant une pièce artistique qu’un geste personnel : celui de m’autoriser à ralentir et à créer autrement.

Ras-le-bol

Projet de fin d'études, en collaboration avec Henrik Svensson (superviseur)

Ce projet commence avec mon mémoire, une sorte de diatribe, un « merde » lancé à mon perfectionnisme, à mon école d’art, et à cette idée étouffante que la créativité, c’est facile. Pendant mes études, j’ai souvent eu l’impression qu’il fallait tout savoir faire, tout maîtriser : être à la fois designer, artisan, photographe, communicant… une personne aux 500 casquettes.
J’étais constamment poussée à faire mieux, à apprendre plus, et j’avais l’impression que ma créativité, seule, ne suffisait jamais.

Alors pour mon projet de fin d’études, j’ai décidé de faire l’inverse. De m’écouter. De choisir un médium qui ne cochait pas forcément les bonnes cases, mais qui me faisait envie : le tissage.

J’avais déjà exploré le tissage dans un projet précédent (Lost Moderna), et j’y avais trouvé quelque chose de précieux : du temps. Du vrai temps pour réfléchir, ralentir, respirer. Ce luxe-là, on ne l’a pas souvent en dernière année.

J’ai commencé à tisser avec des matériaux recyclés, en imaginant une installation. Mais très vite, j’ai vu les vieux réflexes revenir : vouloir que tout soit parfait, ambitieux, « justifié ». Alors j’ai simplifié. J’ai choisi l’objet le plus basique en design : la chaise.

J’ai dessiné, redessiné, construit une structure en métal. Et j’y ai accroché mes pièces tissées. Puis, j’ai ajouté un élément sonore : un audio qui murmure mes pensées, mes doutes, mes ruminations pendant que je tissais. Parce que ce projet, comme mon mémoire, parle surtout de mon processus, pas juste du résultat.

L’installation finale se composait de:

  • mon métier à tisser, que j’avais fabriqué moi-même,

  • un tissage en cours, inachevé,

  • deux fils qui s’en échappaient, terminés en boule, contenant des mini-enceintes diffusant ma voix,

  • et la fameuse chaise, habillée des tissus terminés.

Mais la veille de l’examen, gros doute. À quoi sert cette chaise ?
Elle n’avait plus sa place. Elle était redevenue un objet à « finir », à « réussir », à « vendre ». Et ce projet, ce n’était pas ça. Ce n’était pas un projet sur une chaise. C’était une tentative de réinventer ma manière de créer, à mon rythme, à ma manière.

Alors j’ai viré la chaise.
J’ai déposé les tissus finis à même le sol, pour montrer qu’ils n’avaient pas de valeur en soi. Leur vraie valeur était ailleurs : dans le temps passé à les faire, dans les pensées qui m’ont traversée pendant le tissage.

Et j’ai présenté mon projet assise à mon métier à tisser, comme pour dire :
ce projet n’est pas terminé, et pour une fois, ça me va.